La tempête a aussi ses vertus

Paru dans le 24Heures du 31 octobre 2002Arrêtons de nous complaire dans la sinistrose, s’insurge Jean-François Tagini. Chacun doit être capable de se remettre en question. Lorsque nous sommes pris dans la tempête, nous avons tendance à nous séparer du capitaine parce qu’il a l’habitude de naviguer par beau temps, alors qu’il possède tout un bagage humain et professionnel pour affronter le grain. Et si la tempête était l’occasion de se remettre en question en sa compagnie? Encore faut-il être conscient qu’un coaching mené en période de crise prendra plus de temps que s’il fait beau. C’est en anticipant le changement de temps que l’on a le plus de chance de disposer de la bonne personne au bon endroit et au bon moment.»«La tête dans le guidon»Après avoir dirigé l’antenne suisse d’Alexandre TIC, spécialisée dans le recrutement des cadres et aujourd’hui filiale d’Adecco, Jean-François Tagini a créé sa propre société, Tagini Consulting. Elle est précisément spécialisée dans le coaching, le teambuilding (coaching de groupe), le feedback 360° (évaluation d’un cadre par son entourage) ou encore l’assessment (évaluation du personnel). Autant de démarches fondées autour de la personnalité du collaborateur, de ses atouts et de ses faiblesses, «mais dans le contexte de globalisation que nous vivons depuis plusieurs années, est-ce que l’on s’intéresse encore à l’humain? Nous avons pourtant les moyens à disposition pour bien connaître les collaborateurs de la maison et leur cheminement personnel, pour les intégrer dans le développement de l’entreprise, les motiver et les fidéliser.»Bien sûr, Jean-François Tagini fait un plaidoyer en faveur de sa paroisse, mais on peut difficilement lui donner tort lorsqu’il déplore que l’on a souvent tendance à «rouler la tête dans le guidon» lorsque tout va bien et que l’on se retrouve fort dépourvu lorsque surgit la mauvaise saison; «à ce moment, le cycliste manque totalement de hauteur alors qu’il devrait apprendre à vivre avec une incertitude stratégique». Et de constater: «On parle volontiers, dans l’état-major de l’entreprise, de gestion personnelle, mais est-ce que l’on s’en donne les moyens? Prenez le cas de l’assessment: on en fait un pour engager un nouveau cadre, mais qui parle d’évaluer ses compétences ou que lui offre-t-on d’autre lorsqu’il compte vingt ans de boîte?»Un rôle de conseiller conjugalRespect-confiance-tolérance: voilà la trilogie que notre interlocuteur défend lorsqu’il parle des relations au sein de l’entreprise et de la collaboration à travers la hiérarchie. Là, il sert une autre métaphore, celle du couple marié qui, avec l’âge, communique de moins en moins, où chacun des partenaires pense de moins en moins à l’autre et qui, finalement, se trouve confronté à une crise qui risque de déboucher sur le divorce. D’où la nécessité de se remettre régulièrement en question, ce qui sous-entend également une bonne dose d’humilité. «Le coach joue un peu le rôle du conseiller conjugal. Il donne aux gens l’occasion de prendre confiance dans leur potentiel, non seulement professionnel mais aussi personnel, et d’apprendre à modifier leur comportement lorsque le besoin s’en fait sentir.» Encore faut-il que le coaché ait confiance en son coach et qu’il accepte de prendre du recul par rapport à sa situation et à son comportement; c’est souvent ce qui est le plus difficile à faire admettre par les gens.Autre difficulté à surmonter pour réaliser un bon coaching, note encore Jean-François Tagini, c’est la forte spécialisation des gens. Ce sont eux qui ont le plus de peine à prendre de la hauteur. Ils sont des perfectionnistes. En cas de tempête, on les trouve dans la cale en train d’écoper l’eau. Ils ont en général de la peine à déléguer. Ils suivent un cours de coaching et ensuite ils rangent le classeur dans leur armoire.Fidéliser les collaborateursEt de conclure en résumant: «Finalement, du recrutement à l’engagement, de l’intégration au développement du collaborateur dans l’entreprise, bien connaître ses gens, leurs forces et leurs points à améliorer permet d’assurer le développement de l’individu, sa polyvalence et son employabilité. Pour le collaborateur, il s’agit de connaître ses propres centres d’intérêt, ses motivations et son mode de fonctionnement, afin d’exploiter ses propres forces, de compenser ses points faibles et d’orienter sa carrière plus judicieusement. Accroître la performance, c’est aussi fidéliser les collaborateurs: par une plus large connaissance de leurs besoins, une meilleure qualité des relations humaines basée sur le respect, la confiance et la tolérance, ce qui permet aux individus de véritablement adhérer au projet d’entreprise.»ÉTIENNE OPPLIGER

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